Figurines & modélisme

Guillaume Ponce

Peintures alkydes (Humbrol) à l’aérographe

Les peintures alkydes sont, en quelques sortes, les descendantes à l’ère industrielle des peintures à l’huile. Elles conservent donc certaines des caractéristiques de ces dernières, notamment concernant les diluants avec lesquelles elles sont compatibles.

Elles sont souvent commercialisées sous l’appellation de peintures « enamel ». Celles avec lesquelles je suis le plus familier sont celles de la gamme Super Enamel de chez Humbrol. J’utilise également, plus occasionnellement, des peintures de la gamme Pébéo Vitrail, sur les étiquettes desquelles le terme « alkyde » apparaît explicitement (ça fait plaisir, quand on utilise le terme qui convient).

Les peintures alkydes sont les plus confortables qu’il m’ait été donné d’utiliser à l’aérographe :

Dilution

Les peintures alkydes sont compatibles avec les mêmes diluants que les peintures à l’huile :

J’utilise, pour ma part, exclusivement de l’essence F. Sa fluidité, sa faible odeur, son coût de revient raisonnable … tout me convient dans ce diluant.

Comme pour les autres types de peintures utilisés à l’aérographe, il convient de diluer les peintures alkydes jusqu’à ce qu’elles atteignent la consistance du lait. C’est spécialement vrai pour les peintures Humbrol, parfois un peu épaisses à la sortie du pot, même après les avoir bien mélangées1.

J’ai constaté que ces peintures toléraient assez bien la surdilution. Même après les avoir diluées bien au delà de la consistance du lait, je ne les ai jamais vues se fractionner2 (comme j’ai pu voir certaines peintures acrylique le faire) et je n’ai pas non plus eu de problème de résistance à l’arrachement, qui pourrait indiquer une surdilution du liant contenu dans la peinture. Elles restent mêmes souvent suffisamment couvrantes pour qu’il soit futile de tenter un pré-ombrage.

Donc, dans le doute, mieux vaut diluer un peu trop que pas assez. En revanche, la peinture sera plus fluide et le godet de l’aérographe se videra plus vite à pression égale. Cela peut parfois se révéler surprenant.

Superposition des couches

Si elles sèchent plus vite que les peintures à l’huile auxquelles elles sont apparentées, les peintures alkydes sèchent bien moins vite que les peintures acryliques (ou a fortiori cellulosiques). C’est même l’une des principales caractéristiques pour lesquelles leurs adeptes les adorent et pour lesquelles leurs détracteurs les détestent.

On pourrait donc craindre qu’il soit impossible de superposer des couches de peintures lors d’une même séance et qu’il faille attendre 8 à 24 heures de séchage entre deux couches sous peine de voir la seconde décaper la première. Et c’est effectivement un comportement que j’ai pu observé lorsque j’ai tenté, pour voir ce que cela donnerait, d’utiliser des peintures à l’huile (Old Holland) à l’aérographe.

Mais, très étonnement, ce n’est pas le cas avec les peintures alkydes. Ca paraît même presque tenir de la magie. Non seulement il est possible de superposer les couches alors qu’elles sont encore fraîches, mais il demeure également possible de procéder à des effacements correctifs en passant un pinceau imbibé de diluant. Intuitivement, ces deux possibilités devraient pourtant être mutuellement exclusives.

En revanche, il est bien évidemment nécessaire d’attendre le séchage de la couche de peinture avant d’appliquer un adhésif de masquage.

Fondus

Quand il s’agit de réaliser des effets, spécialement à base de fondus de couleurs, ma technique de prédilection reste la peinture à l’huile, au pinceau, très très loin devant l’aérographe. Aussi, je ne me hasarderai pas à tenter de montrer 1001 façons de réaliser des effets divers et variés à l’aérographe. Il existe probablement d’autres sites, plus centrés autour de l’aérographie, plus indiqués pour cela.

Néanmoins, il m’arrive d’utiliser l’aérographe pour réaliser des fondus très généraux. D’après ce que j’ai constaté, l’atomisation de la peinture est plus fine à haute pression (3 à 4 bars) qu’à basse pression (1 à 2 bars). Mais à cette pression, il convient de tenir l’aérographe plus loin de sa cible qu’habituellement, de 20 à 30 centimètres. Il n’est donc pas aisé d’être très précis et de pulvériser la peinture sur une zone de la figurine en épargnant les zones adjacentes. Au besoin, il faudra recourir au masquage.

Cette technique n’est peut être pas indiquée pour une utilisation avec des peintures acryliques. Celles-ci ont en effet tendance à sécher sur le trajet entre l’aérographe et le support (ce qui les rend encore plus fragiles que quand elles sont appliquées au pinceau). Augmenter la longueur du trajet et la quantité d’air au contact de la peinture le long de ce trajet augmente donc les risques qui y sont liés. Mais avec les peintures alkydes, qui mettent des heures à sécher, cette technique ne pose aucun problème.

La finesse d’atomisation est ce qui permet d’éviter que l’on puisse voir à l’œil nu l’effet de crachotis des gouttelettes de peintures qui frappent la cible. Celles-ci sont en fait toujours présentes mais, si l’atomisation est suffisamment fine, elles deviennent microscopiques.

Au final, il m’apparaît que les peintures à l’huile permettent des fondus plus fins que l’aérographe (du moins c’est le cas à mon niveau technique de peinture à l’huile et à mon niveau technique d’aérographie). Mais l’étendue de ces fondus est limitée par la taille des pinceaux dont on se sert pour « tapoter ». Il est donc aisé de réaliser des fondus à l’huile sur des bandes de peinture allant de 1 mm à 1 cm de large, ce qui convient généralement parfaitement à l’échelle d’une figurine.

Mais pour des fondus devant s’étendre au delà du centimètre, l’aérographe utilisé à haute pression comme exposé ci-dessus est sans doute un meilleur outil. Sauf à complexifier le fondu à l’huile en le décomposant en plusieurs fondus successifs dans le frais.

Masquage

L’une des grandes forces des peintures alkydes, une fois qu’elles sont sèches, est leur bonne résistance à l’arrachement.

Avec des peintures acryliques utilisées à l’aérographe, l’utilisation d’adhésifs de masquage est un exercice périlleux. C’est surtout le démasquage qui l’est, car c’est au moment d’arracher l’adhésif que se présente le risque que la peinture qu’il devait protéger vienne avec.

J’ai connu ce genre de déconvenues avec les peintures acryliques, à ma grande rage. C’est même, précisément, l’une des expériences qui m’ont conduit à les abandonner. Mais je n’en ai jamais fait l’expérience avec une peinture alkyde.

Pour ma part, j’utilise généralement les adhésifs de masquage de la marque Tamiya, qui sont d’une grande qualité. Cette grande qualité tient essentiellement à deux choses :

J’ai lu, sur des forums, que certains adeptes de ces adhésifs les collent et décollent plusieurs fois sur une plaque de verre pour limiter leur force d’adhérence et donc les risques d’arrachement de peinture qui vont avec. Mais cela revient à affaiblir la seconde qualité mentionnée ci-dessus et donc à augmenter le risque d’infiltration de la peinture sous l’adhésif. Cela revient donc à troquer un risque contre un autre.

Les peintures alkydes permettent d’utiliser ces adhésifs tels qu’ils sont et de minimiser simultanément tous les risques liés à leur utilisation.

Nettoyage de l’aérographe

La lenteur de séchage de la peinture alkyde facilite grandement le nettoyage de l’aérographe entre deux couleurs à appliquer et à la fin d’une séance de peinture. Pour terminer cet article, voici la procédure de nettoyage d’aérographe que j’observe quand j’utilise des peintures alkydes.

  1. Je remplis le godet d’essence F, pour surdiluer le résidu de peinture qu’il reste à l’intérieur. Je touille le tout avec un coton tige que je passe également sur les bords du godet pour ramasser la peinture qui y est collée. Si de la peinture a coulé sur l’extérieur du godet, je l’essuie également avec un coton ou une feuille de papier absorbant imbibée d’essence F.

    Je vide ensuite le godet dans mon pot à déchets en renversant l’aérographe, pas en faisant passer cette bouillie par la buse.

  2. Je passe ensuite quelques godets d’essence F en les pulvérisant. Je procède ainsi jusqu’à ce que l’essence ressorte non colorée. Pour mieux m’en assurer, je la pulvérise sur une feuille de papier absorbant blanche.

    Si, au bout de 4 ou 5 godets, je parviens à obtenir une essence effectivement incolore en sortie, je peux passer à la couleur suivante si j’en ai d’autres à pulvériser durant la même séance de travail.

    Si j’en ai fini avec cette séance, je passe aux étapes suivantes de cette procédure. Je le fait également si je ne parviens pas à obtenir l’essence incolore en sortie au bout de quelques godets ; je ne m’acharne pas jusqu’à vider une bouteille complète d’essence F.

  3. Je démonte ensuite l’aérographe.

    Je nettoie l’aiguille avec un coton tige imbibé d’essence F, puis je la range.

  4. Toujours avec un coton tige imbibé d’essence F, je nettoie le cache de la buse. Puis je le dévisse et je le range.

  5. J’enfile ensuite la buse, sans la démonter de la tête de l’aérographe, dans l’embout d’une bombe de nettoyant de la marque Ghiant et j’effectue de 1 à 3 pulvérisations en direction d’une feuille de papier absorbant blanche. Le nettoyant va traverser la buse en sans inverse.

    A la dernière pulvérisation, la projection ne doit pas laisser de trace de couleur sur la feuille de papier absorbant. C’est souvent le cas dès la première pulvérisation.

    C’est le plus souvent quand on démonte la buse, minuscule, de la tête qu’on la casse ou qu’on la laisse tomber et qu’on la perd. Je ne le fais donc jamais.

  6. A l’aide d’une pipette, je fais couler de l’essence F à travers le corps de l’aérographe au dessus d’une feuille blanche de papier aborbant. Je procède ainsi, goutte à goutte, jusqu’à ce que le diluant ressorte incolore.

  7. Je répète la même opération, mais cette fois avec du diluant cellulosique plutôt que de l’essence F. Alors que l’essence F a permis d’évacuer les résidus de peinture fraîche qu’il pouvait rester dans le corps de l’aérographe, le diluant cellulosique va permettre d’évacuer les résidus de peinture qui auront commencé à sécher.

    Pourquoi avoir d’abord utilisé de l’essence F plutôt que directement du diluant cellulosique ?

    • Parce que l’essence F reste un meilleur diluant des peintures alkydes, quand elles sont fraîches.

    • Parce que le coût de revient, économique et écologique, de l’essence F est moindre que celui du diluant cellulosique. Aussi, il est préférable d’utiliser 3 pipettes d’essence F et 1 ou 2 pipettes de diluant cellulosique qu’aucune pipette d’essence F et 5 ou 6 pipettes de diluant de diluant cellulosique.

  8. Enfin, je rince abondamment le corps de l’aérographe à l’eau vive, sous un robinet, afin d’éviter de laisser traîner du diluant cellulosique à l’intérieur jusqu’à son évaporation.

Quelques points à noter concernant cette procédure :

La docilité des peintures alkydes, découlant de leur lenteur de séchage, fait que certaines étapes et outils qui auraient pu s’avérer nécessaires pour nettoyer un aérographe dans lequel on aurait utilisé de la peinture acrylique ne le sont plus ici.


  1. Beaucoup de pots Humbrol présentent, à leur ouverture, l’aspect d’une pâte colorée beignant dans un liquide. Il est bon de rappeler que c’est la totalité du contenu du pot qui constitue la peinture et qu’il faut bien le mélanger jusqu’à obtenir une substance homogène (même si c’est parfois une tannée à mélanger). Sans cela, on prend le risque d’utiliser trop de pigment pour pas assez de liant de d’avoir une peinture moins résistante et moins adhérente au support.↩︎

  2. Une peinture se fractionne quand elle est diluée au point qu’il ne reste plus assez de liant pour tenir ensemble les pigments qu’elle contient. Si la peinture contient plusieurs pigments différents, on les voit alors se séparer dans le liquide et on voit parfois apparaître des couleurs inattendues. Notamment du gris, car beaucoup de peintures contiennent, en plus des véritables pigments correspondant à leur couleur affichée, une charge de gris pour les rendre plus couvrantes à moindre frais (c’est souvent de la poudre de craie qui est utilisée à cette fin, car elle est nettement moins chère que tous les véritables pigments).↩︎

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